Les Hôpitaux de Saint-Maurice : deux établissements à l’histoire prestigieuse
De l’Asile impérial à l'Hôpital National de Saint-Maurice
L'ouverture de l'Asile Impérial de Vincennes est intimement liée aux gigantesques travaux d'urbanisme voulus par l'Empereur Napoléon III et entrepris par le Préfet Haussmann à partir de 1853.
Les chantiers, qui fonctionnaient parfois jour et nuit, attirèrent vers la Capitale de nombreux ouvriers. Vers 1860, Paris en comptait environ 400 000 pour une population totale d'un million et demi d'habitants. On peut, dès lors, imaginer les nombreux accidents ou maladies liés à un travail harassant et dangereux, et leurs conséquences dramatiques en l'absence de protection sociale véritable.
"Si l'industrie a ses blessés comme la guerre […], si le chantier, l'atelier, vrais champs d'honneur de l'ouvrier, le renvoient bien souvent malade ou mutilé […], il faut construire une sorte d'asile pour assurer au sortir de l'hôpital sa convalescence, voire même, pour les plus atteints, leur retraite". C'est en ces termes que le Ministre de l'intérieur Billault présenta la situation à l'Empereur en 1855. Celui-ci signa, le 8 mars, un décret annonçant la construction sur le domaine de la couronne de deux asiles "pour les ouvriers blessés" : l'un au Vésinet, qui reçut à partir de 1859 les femmes convalescentes, l'autre pour les hommes, à Vincennes, sur 17 hectares du plateau de Gravelle, dans un environnement encore rural.
La construction de l'Asile de Vincennes, qui devait recevoir cinq cents convalescents, fut confiée à l'architecte Eugène Laval. Il fut inauguré le 31 août 1857 par le ministre Billault en présence de l'archevêque de Paris. La commission de surveillance, chargée de veiller au bon déroulement des travaux, ainsi qu'une partie de l'entourage de l'Empereur, jugeaient néanmoins ce projet utopique et son avenir hasardeux. Aussi, recommanda-t-on à l'architecte de construire "pour trente ans" et des matériaux économiques comme le bois ou le moellon furent donc utilisés.
Dès 1858, l’Asile ouvre à tous les Français, sans distinction de profession ou de lieu de résidence. L’établissement devint à cette époque l’hôpital de suite de grands établissements parisiens : Cochin, Tenon, Lariboisière...
En 1861, il apparaît que les locaux sont insuffisants pour faire face aux besoins. L'Empereur ordonne alors des travaux d'agrandissement et l'ouverture de 123 lits supplémentaires.
Le 26 octobre 1900, l’établissement prend le nom d'Asile National des Convalescents de Saint-Maurice. On ne se contente plus alors d'une simple assistance charitable, mais un véritable travail de rééducation des patients, voire d'appareillage des mutilés, est réalisé.
«Réparer les dommages corporels » devient une priorité, sous l'influence probable des recherches menées au château de Vacassy* où les médecins étaient confrontés aux blessés de la Grande Guerre.
Le vieux terme d'Asile, à connotation péjorative, disparaît enfin : l'Hôpital prend le nom d’établissement National des Convalescents pour devenir finalement l'Hôpital National de Saint-Maurice en 1992.
* Etablissement voisin, fondé par Jean-Joseph Vacassy qui avait légué ses biens à l’Etat en 1875, et actuels locaux de l'Institut National de Veille Sanitaire (INVS)
Des frères de la charité à l’EPS Esquirol
Le 13 septembre 1641, Sébastien Leblanc, Conseiller de Louis XIII et Contrôleur des guerres, fait donation de biens sur la paroisse de Charenton-Saint Maurice aux Frères de la Charité de l'ordre de Saint-Jean-de-Dieu pour permettre l’ouverture d’un hôpital de sept lits destiné à recevoir des malades pauvres.
Les créances des Frères de la Charité qui embrassaient toute la hiérarchie sociale, du Roi jusqu'aux vilains, permettent au fil des ans de nombreuses acquisitions rurales et l'expansion de ce qui est alors l'Hôpital de Notre-Dame de la Paix.
Dès 1660, divers documents attestent de la vocation de l'hôpital à accueillir des malades mentaux. Vocation qui se poursuivra au début du 18e siècle avant d'être confirmée par l'édification de la Maison de Charenton, en 1732, qui sépare les aliénés des réclusionnaires reçus par ordre du Roi.
Après une période de prospérité, l'hôpital n'échappe pas à la tourmente de la Révolution.
La loi du 18 avril 1792, en ordonnant la suppression des ordres religieux, entraînera la fermeture de l'établissement. En juillet 1795, les pensionnaires sont dispersés, la maison et le couvent sont pillés avant d'être transformés en prison d'Etat, annexe de Vincennes.
Pourtant trois ans plus tard, le Directoire "considérant que les locaux affectés au traitement de la folie dans le grand hospice d'humanité de Paris ne présentent aucun moyen de donner à ce traitement tout le développement nécessaire", décide la réouverture de l'établissement.
L'hôpital bénéficie d'un nouveau statut administratif et laïc. Il est, en outre, placé sous la tutelle du Ministère de l'Intérieur. La direction de l'établissement est alors confiée, sous le titre de Régisseur général, à l'Abbé de Coulmiers, ancien supérieur des prémontrés et membre des assemblées constituantes et législatives.
Cette période va être marquée par l’absence totale de règlement intérieur, ce qui va permettre au régisseur d’exercer un pouvoir despotique tant au plan de la gestion qu’au plan médical.
Il va instituer le régime de la douche, du “bain surprise”, et des gilets de force pour calmer les agités. Il ne tiendra aucun registre des malades.
L’Abbé de Coulmiers va également inviter le tout-Paris pour des représentations théâtrales “thérapeutiques” mettant en scènes les aliénés. Il déléguera l’organisation de ces fêtes au Marquis de Sade, hospitalisé dans l’établissement jusqu’à son décès le 2 décembre 1814.
La même année, l'Abbé de Coulmiers est démissionné d'office trois semaines après l'abdication de l'Empereur Napoléon. Lui succède un ancien avocat, Roulhac du Maupas.
L'arrivée de Jean-Etienne-Dominique Esquirol en 1825, en tant que médecin chef, ouvre une période d'intense activité qui contribuera à la renommée internationale de l'établissement et verra se succéder les plus célèbres aliénistes : Moreau de tours, Archambault, Ritti.
Esquirol est le “disciple” de Pinel. Il croit profondément à la nécessité d'améliorer les asiles au profit des malades, souhaitant que les maisons d'aliénés deviennent "un instrument de guérison" et non plus seulement un lieu de contention, comme il l'expose dès 1818 dans un rapport adressé au Ministère de l'Intérieur.
En 1833, il dresse le programme d'un nouvel asile destiné à accueillir trois cents malades.
Il décrit sur le plateau, un bâtiment symétrique et régulier, dont la masse imposante doit agir sur le patient et favoriser le "traitement moral" de la maladie.
La première pierre du nouvel édifice, réalisé par l’architecte Emile Gilbert, est posée le 30 octobre 1838.
L'objectif affirmé est d'édifier un établissement modèle, qui puisse être reproduit, puisque la récente loi sur la protection des aliénés oblige chaque département à disposer d'un asile.
Les travaux dureront six ans et seront interrompus, faute de crédits. Ils reprendront en 1865, grâce à l'Impératrice Eugénie, pour s'achever enfin en 1886.
Entre-temps, le bâtiment est devenu l'origine et le prototype de l'architecture asilaire. Cette réalisation d'Esquirol et de Gilbert, par les choix esthétiques et thérapeutiques qu'elle traduit, suscite à la fois admiration et controverse. Elle est perçue soit comme "un temple de la raison" soit comme "une folie de l'archéologie".
Le style de la construction, néo-classique, s'inscrit dans la préoccupation monumentale de l'époque. Il est aussi fortement marqué par la Renaissance italienne et les grandes villas romaines de l'époque d'Auguste que Gilbert avait étudiées à Rome.
Mais avant tout, il est empreint d'un souci de rationalité.
Au lendemain de la 1ere guerre mondiale, dans un contexte démographique bouleversé où le relèvement de la natalité devient un mot d'ordre national, la loi de 1920 fixe le projet de transformation de l'hôpital en Maison maternelle nationale.
Ce projet ambitieux n'aboutit que partiellement, sans remettre en cause la vocation psychiatrique de l'établissement. Il est à l'origine d'une cohabitation originale et parfois complémentaire entre les deux spécialités. A partir de 1958, une maternité cantonale est aménagée. Elle figure les prémices de la maternité actuelle.
En 1970, l'hôpital, perdant son caractère d'établissement national, devient un établissement public hospitalier autonome du département de Paris.
L'époque connaît d'importantes réformes statutaires telles que la loi hospitalière de 1970 et de grands bouleversements dans les modalités de prise en charge des patients par la mise en place de la politique de secteur.
Et aujourd’hui...
Depuis 1986, ces deux établissements ont progressivement opéré un rapprochement de certaines activités logistiques, médico-techniques et de gestion. Ainsi, par exemple, un plateau médico-technique commun intégrant la pharmacie, le service d’imagerie et le laboratoire existe depuis 1995.
La Maternité des Hôpitaux de Saint-Maurice (ex Maternité Esquirol) a ouvert les portes de ses nouveaux locaux sur le site de l’Hôpital National de Saint-Maurice en 2008.
1986 : Création du syndicat interhospitalier
1988 : Début de la mise en commun de moyens logistiques et techniques (chauffage, autocommutateur)
1989 : Mise en commun des systèmes d’information
1992 : Début de la mise en commun des services médico-techniques
1994 : Hébergement provisoire d’un service pédiatrique HNSM à Esquirol
2003 : Mise en place d’une convention de direction commune
2006 : Inauguration des locaux de la pharmacie interhospitalière
2008 : Ouverture des nouveaux locaux de la Maternité sur le site HNSM
2010 : Début du travail des deux communautés médicales en vue d'un projet médical commun pour le nouvel établissement
1er janvier 2011 : Regroupement des deux hôpitaux pour former « Les Hôpitaux de Saint-Maurice »